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– Qu’est-ce qu’un surdoué ?
« C’est souvent quelqu’un qui vit en décalage avec la norme. Pour parler simplement, il est en dehors du moule ! Suivant les pays, on parle de doué, surdoué, précoce, à haut potentiel, etc. Mais attention, être surdoué ne signifie pas être plus intelligent, c’est simplement fonctionner différemment. »
– Quels sont les symptômes ?
« Le surdoué veut savoir le pourquoi des choses en permanence, il est passionné par l’univers, la préhistoire, les limites du temps et de l’espace… Il aime les jeux compliqués, change souvent de centres d’intérêt. Mais le mot symptôme n’est pas bon : comme dit l’un de mes fils, la « surdouance » n’est pas une maladie ! »
– Y a-t-il une part d’hérédité ?
« Ce qui sûr, c’est qu’on l’est ou on ne l’est pas ! Personne ne demande à naître comme ça. Après, chacun interprète comme il veut… Les surdoués ont un sens de l’humour très développé ! »
– À quelles difficultés est confronté un enfant surdoué ?
« Souvent en avance dans son développement intellectuel, l’enfant est en décalage avec son évolution physiologique, affective, psychomotrice… Mes trois garçons ont vécu cela. On parle de dyssynchronie. Par exemple entre la lecture, vite assimilée, et l’écriture, laborieuse. À l’école, cela se traduit par des troubles de compréhension : quelque part, le cerveau fonctionne trop vite par rapport à ce qui est demandé. D’où les prises de parole inappropriées, le décalage continuel et au final, les moqueries. Souvent, ce genre d’enfant a très peu d’amis et souffre de mal-être. »
– Quelles sont les personnes habilitées à diagnostiquer ?
« Les psychologues agréés, hospitaliers, scolaires ou autres. Il convient de rappeler qu’il est nécessaire de passer par ces intermédiaires pour éviter les charlatans. Une fois le diagnostic posé, il faut aller vers des spécialistes : orthophonistes, psychomotricien, psychologue spécialisé… C’est justement pour ça que le rôle des associations est important. J’aimerais que l’on développe l’information en milieu scolaire. J’ai noué des contacts à Villeneuve-d’Ascq, ça démarre bien. »
– Que faut-il penser des filières ou des classes réservées aux surdoués ?
« D’emblée, je dirai que c’est une réussite. Si nous voulons traiter nos enfants de manière égale, il est nécessaire de suivre séparément ceux qui ont un retard et ceux qui sont précoces. Aux Pays-Bas, 25 écoles secondaires et 12 écoles primaires accueillent les enfants surdoués. La France, elle, est à la traîne, même s’il y a des volontés au sein de l’Éducation nationale.
À Villeneuve-d’Ascq, l’école Prévert, dans le quartier des Prés, a développé approche expérimentale, à l’origine pour faire face aux difficultés de lecture.
De fait, elle fonctionne par cycles (trois au total, de la maternelle au CM2) et s’adapte très bien aux « enfants intellectuels précoces ». Quand les enfants se retrouvent entre eux, par cycle, ils se sentent mieux. Le système « normal » n’est pas adapté à leur mode de fonctionnement. »
– Que deviennent les enfants surdoués, comment évoluent-ils ?
« Lors d’une conférence le 3 août dernier, Claire D’Adheimar, spécialisée dans le coaching des adultes surdoués, livrait un précepte indispensable : le surdoué trouve son équilibre à partir du moment où il accepte son état. La précocité n’est pas un privilège, c’est une difficulté à surmonter.
Les surdoués essaient de trouver un chemin dans leur vie d’adulte, qui n’est pas simple. Ils auront toujours à s’adapter aux autres. Leur parcours, souvent, n’est pas linéaire… »
– C’est-à-dire ?
« Par exemple, ils vont changer de métier, développer plusieurs activités professionnelles. Bref, ils doivent faire face à une plus grande instabilité que « la normale ».
Le surdoué est intéressé par tout, donc il peut facilement passer d’un domaine de prédilection à un autre, ce qui est fatigant pour l’entourage (sourire).
Beaucoup vivent seuls d’ailleurs. Mais il ne faut pas culpabiliser, c’est ainsi.
Il arrive que des adultes réalisent plus tard qu’ils sont surdoués en faisant,par exemple, des tests par eux-mêmes . Dans ces cas-là, c’est d’abord très violent. Et puis ils comprennent les raisons de tel ou tel échec, de telle incompréhension, et au final, tout s’éclaire. C’est un soulagement. »
– Comment s’en sortent vos enfants aujourd’hui ?
« Ils font ce qu’ils peuvent (sourire). Il y a de grands hauts et de grands bas. C’est le cas de beaucoup de surdoués. D’où l’importance d’une prise de conscience collective et de l’intérêt à développer un suivi et des structures adaptés. »